La folie ordinaire d'Emilie Durand

La folie ordinaire d'Emilie Durand

Messagepar Jean-Claude Carton » Sam 21 Avr 2012 20:02

Une rencontre hors de l'ordinaire le 4 mai 2006 avec Emilie Durand

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Chacun à des choses à raconter. Dans mon cas, j'ai décidé que ce serait la souffrance. Pas seulement la mienne mais aussi celle des autres. Avec ce livre, j'ai voulu humaniser l'hôpital psychiatrique en témoignant de manière claire et précise. Il n'est pas évident d'étaler ainsi sa vie mais je l'ai fait car elle est mélangée à d'autres vies qui justement la rendent intéressante. J'ai décidé de donner voix à ceux que l'on ignore volontairement, par peur ou par méconnaissance. J'ai voulu que tous ces gens rencontrés s'expriment à travers mon témoignage. J'ai voulu être leur porte-parole avec une simple feuille et un stylo. C'est dans ce sens que je souhaite que ce livre soit compris. J'espère qu'il pourra aider ceux qui, comme moi, vivent un peu à la limite des autres, un peu en marge car classés difficiles ou instables et sont méprisés. J'aimerais que ce livre aide aussi les familles dont les enfants sont en difficultés.
J'admire ces parents qui assument, jour après jour, les errances de leur enfant. Je dis «enfant» car pour des parents, des enfants restent toujours des enfants, même à soixante-dix ans ! Les parents dans ce cas sont nombreux même s'ils n'osent pas se montrer. Je voudrais mettre le doigt sur un des grands problèmes de notre société: le fait de devoir étouffer, cacher, éliminer le fils, la fille, l'oncle, le frère, la soeur à problèmes. C'est tellement honteux d'avoir un membre de la famille qui souffre d'un trouble mental au point d'être hospitalisé ! Alors on le nie. Ce qui constitue une bonne façon de le détruire un peu plus. Ils ont déjà du mal à exister, à trouver une place dans la société; en plus, on les aide à disparaître, à s'annihiler.
Je veux que le comportement des gens change, qu'ils arrêtent de fuir quand ils apprennent que je sors d'un hôpital psychiatrique.


"Saint-Anne est l’antre de la souffrance, son coeur même. Comme si nous, les patients, lorsque nous sommes tous réunis, nous ne formions plus qu’une seule unité, qu’un seul élément, qu’un seul être réuni par la Souffrance. Je l’imagine, femme fatale, pulpeuse et perverse, aux yeux verts et à la longue chevelure noire, dans une robe de fourreau rouge. Elle nous regarde et se moque de nous, pauvres esclaves. Elle rit et son rire est diabolique, sans issue. Lorsque nous sortons de Sainte-Anne, nous nous essaimons, petits êtres difformes, distordus par notre maîtresse mère, mais un lien invisible nous relie tous. Nous nous reconnaissons. Je connais la marque du fer rouge qui nous a brûlé, nous condamnant ainsi à jamais. Je connais cet air absent, cette quête d’amour et de reconnaissance. Je sais qui a été enfanté par la Souffrance. J’en fais partie. Je suis une de ses filles.
Certains étudiants me connaissaient. Ils m’ont souvent demandé ce que j’étais devenue pendant tout ce temps. Je leur répondais sans hésiter : "J’étais en hôpital psychiatrique. " Une telle réponse était évidemment destructrice pour moi. Les gens prenaient peur. Une seule fois, une fille m’a félicitée d’assumer ce que j’appellerais gentiment ma maladie. De nombreuses personnes ne m’adressaient plus la parole. Je sentais que l’on me regardait bizarrement. Pourtant, c’étaient des étudiant de plus de 20 ans qui, normalement, avaient une certaine expérience de la vie. Je n’ai pas vraiment trouver de compréhension, mais je crois que je n’en cherchais pas non plus. J’étais solitaire et difficile d’accès. "


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