Conférence de Taslima Nasreen Paris 30 novembre 2011

Conférence de Taslima Nasreen Paris 30 novembre 2011

Messagepar Jean-Claude Carton » Jeu 01 Déc 2011 07:48

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Avant de se consacrer définitivement à l'écriture, Taslima Nasreen a tout d'abord été médecin. A 24 ans, elle publie son premier recueil de poésie et s'emploie dès lors à mettre à nu les racines de l'oppression des femmes. Avec ténacité, elle dénonce en même temps l'escalade de la violence qui frappe son pays à partir de 1988. L'islamisme d'Etat entraîne une féroce persécution de la minorité hindoue, qu'elle décrira dans son roman 'Lajja' (' La Honte'). En 1990, les fondamentalistes islamistes lancent une campagne contre elle, l'agressent à plusieurs reprises et réclament sa pendaison. La qualité de son oeuvre avait cependant déjà propulsé Taslima Nasreen sur le devant de la scène littéraire progressiste au Bangladesh et en Inde ; en 1991, elle reçoit entre autres prix le prestigieux Ananda Literary Award de Calcutta. Mais en 1993, à la parution de 'Lajja', le gouvernement interdit la diffusion du livre. L'organisation 'Soldats de l'Islam' exige à nouveau sa mise à mort, émettant une première fatwa. Lorsqu'en 1994 elle déclare dans une interview, que le Coran est dépassé, les autorités lancent un mandat d'arrêt contre elle. Les fondamentalistes brûlent ses livres en public et émettent deux autres fatwas à son encontre. Elle sera expulsée du pays en août 1994, contrainte à une longue errance en Occident. Son exil se prolongera jusqu'au début de l'année 2009, où la ville de Paris l'accueille en tant que "citoyenne d'honneur'" alors qu'elle recevait le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes l'année précédente. Donnant des conférences dans le monde entier, elle continue de faire de son écriture une arme de lutte.

Ci dessous, l'enregistrement intégral de la conférence donnée par Taslima Nasreen le 30 novembre 2011 à l'amphithéâtre Buffon Université Paris Diderot; Taslima Nasreen s'exprime en anglais; pour celles et ceux qui ne parlent pas l'anglais, j'ai résumé en français ses idées directrices

Pour écouter, cliquez sur le carré vert :arrow:

Quand cessera-t-on de penser qu'on peut fabriquer des citoyens de demain en éduquant les enfants avec de simples slogans sans rien modifier à l'environnement pestilentiel dans lequel ils évoluent ? "

Pour moi, l’islam est incompatible avec les droits de l’homme et de la femme. Ce n’est pas de l’islam dont nous avons besoin pour lutter contre l’ignorance, mais d’un code civil basé sur l’égalité des sexes et d’une éducation laïque pour tous.
Dans le Coran, les femmes ne sont pas traitées comme des êtres humains mais comme des êtres inférieurs et des objets sexuels, condamnés à la servilité par un texte qui est vieux de 1 400 ans ! Le Coran est un livre sacré, mais uniquement pour les hommes !
Vous ne pouvez pas réécrire un livre établi en l’an 651 de notre ère ! Les versets du Coran ne peuvent être reformulés, c’est ainsi… Ce livre doit être considéré comme un simple document historique, écrit il y a mille quatre cents ans. Le Coran est complètement dépassé aujourd’hui, nous n’en avons plus besoin pour vivre.A l’époque, ce texte servait de guide pour l’organisation de la société. Le Coran doit rester du domaine privé et personnel. C’est pourquoi je me bats pour la sécularisation de la société et la séparation entre l’Eglise et l’Etat dans les pays où le Coran régit encore la vie quotidienne et les affaires personnelles.

Le Coran est inutile dans le monde moderne.

Le problème n’est pas simplement l’intégrisme musulman, mais l’islam lui-même. Non seulement les médias occidentaux, desquels nous n’espérons plus guère de grands principes moraux ou de courage, mais également les intellectuels, font preuve de lâcheté quand il est question d’une juste critique de l’islam et de ses dogmes…
Maintenant, nous connaissons la modernité et les droits de l’homme. Le Coran peut être considéré comme un document historique. Je n’ai jamais dit qu’il fallait le détruire. On doit le prendre comme un élément de notre histoire passée, mais ne pas chercher à l’appliquer de nos jours.

Je voudrais faire comprendre aux femmes qu’elles doivent lire le Coran avec un esprit clairvoyant pour y chercher une quelconque justice. Si elles ne la trouvent pas dans le texte – et elles ne la trouveront pas –, elles devront cesser de suivre ces règles et commencer à se battre.

Si c’est insulter l’islam que d’affirmer que le Coran est un texte oppressif, alors je peux insulter l’islam. Mon stylo est ma seule arme. Je ne me trouve pas spécialement radicale. Je dis seulement la vérité. Tout est écrit dans le Coran. C’est moi qui ai été choquée quand je l’ai lu pour la première fois, quand j’ai vu que des millions de gens croyaient encore à ce livre horrible.
Le Coran ne dit rien sur la réalité du monde, il ne permet pas la mise en œuvre des droits de l’homme, de la démocratie, de la liberté d’expression. Il est plein d’idées fausses sur l’Univers.
L’islam considère la femme comme un objet sexuel, un objet sale, comme de la merde.
"Ô vous qui croyez, si vous êtes malade ou en voyage, si vous avez été en contact avec vos excréments ou que vous ayez touché une femme et que vous n’ayez pas d’eau, recourez à du sable (4.43)."

Lorsque j’ai tenté de critiquer l’islam au nom des femmes et de la justice, les fondamentalistes sont devenus fous. Ils n’ont pas accepté de débattre, ils n’ont pas argumenté, ils ont seulement voulu me faire taire et me tuer.

Ils ont décrété une fatwa que le gouvernement a cautionnée au lieu de les sanctionner. Ce n’était pas illégal, puisque le Coran dit que l’incroyant doit être tué: Allah le permet. Pour sauver ma vie, j’ai été forcée de me cacher et de quitter mon pays.
Toute mon enfance, j’ai beaucoup souffert. Toutes les femmes étaient opprimées : à l’époque, je voyais cela comme le fruit de la tradition. Je ne comprenais pas que l’islam était l’outil du système patriarcal.
Je vivais dans une société et une famille musulmane, et j’avais l’habitude de voir les femmes enveloppées dans leur burqa de la tête aux pieds, se faire battre par leur mari, qui pouvait être polygame ou qui divorçait quand il le voulait. Je pensais alors que, peut-être, ces hommes agissaient mal, que sûrement l’islam ne permettait pas de telles choses.
A 14 ans, je suis tombée sur un Coran traduit en bengali, et j’ai comparé plus de 12 traductions différentes… A ma grande surprise, j’ai compris que c’était bien Allah qui déclarait les femmes inférieures, qui prônait la polygamie, le divorce uniquement pour les hommes, le droit de battre leurs épouses, l’interdiction faite aux femmes de porter témoignage en justice, l’inégalité en matière d’héritage, le port du voile…

Oui, Allah permettait tout cela. J’ai compris que la condition des femmes musulmanes n’était donc pas un problème spécifique à la société bengalie, mais bien le fait de la loi d’Allah, une loi terrifiante, ou plus précisément de la loi que Mahomet avait faite au nom d’Allah…

Je pense réellement que l’islam est une torture contre les femmes, une torture que nous devons combattre.

Dans la plupart des pays musulmans les femmes sont sous le joug de sept cents ans de charia (loi coranique). Des millions de femmes endurent de terribles souffrances. Elles sont enfermées, brûlées, lapidées à mort… Venant d’une famille musulmane, je me sens la responsabilité de dénoncer l’islam, car les femmes qui y sont soumises n’ont ni les droits ni la liberté qu’elles devraient avoir.

On leur a inculqué depuis des siècles qu’elles étaient des esclaves pour l’homme, qu’elles devaient suivre le système que les hommes ou Dieu ont créé. Sous la charia, les femmes sont considérées non pas comme des êtres humains, mais comme des objets sexuels, des êtres de seconde classe. Nous n’avons pas besoin de cette loi, il faut la combattre!

Il n’y a pas de crimes d’honneur au Bangladesh, mais le viol est très répandu. Quand une femme est violée, toute sa famille est humiliée. Lorsque deux familles sont ennemies, il arrive que les hommes de l’une violent les femmes de l’autre pour la déshonorer. Les violeurs ne sont presque jamais inculpés ou condamnés.

Le taux de suicide chez les femmes violées est très élevé : elles ne sont pas tuées par des proches, mais se suicident pour racheter l’honneur de leur famille. Il y a une autre pratique courante au Bangladesh, celle des attaques à l’acide. Un amoureux éconduit, par exemple, peut jeter de l’acide au visage de la femme qui l’a repoussé.

Les fatwas sont également très fréquentes : les intégristes prononcent des fatwas contre les femmes qui ne suivent pas les préceptes de l’Islam, et ils les lapident. Ca arrive souvent.

Ce sont des lois religieuses qui donnent leur pouvoir aux intégristes. Le droit de la famille est fondé sur la religion, et comme la religion officielle est l’Islam, les intégristes prônent l’application de ce qui est écrit dans le Coran. Le gouvernement ne prend aucune mesure contre eux car cela reviendrait à s’attaquer à l’Islam. Si au lieu d’un droit islamique, on avait un droit séculier avec séparation entre Etat et religion, il serait plus facile de mettre ces criminels en prison et d’établir en pratique l’égalité entre hommes et femmes.


A propos de l'actualité, Taslima Nasreen s'est montrée plus que réservée sur les risques encourus dans différents pays arabes; la chute des dictateurs remplacés par les religieux n'est pas (selon elle) une bonne affaire...
"Ne change pas ta nature si quelqu'un te fait mal, prend juste des précautions.
Préoccupes-toi plus de ta conscience que de ta réputation.

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